C’est le printemps. Je le sens bien, aujourd’hui, c’est le printemps. J’ai risqué la tenue légère et je trottine vers mon parc préféré. Une légère brise porte à mon nez les parfums des fleurs nouvelles. Dans l’air un quelque chose de spécial que je sens courir sur ma peau : la promesse des corps qui se dénudent.
D’habitude je suis plus raisonnable, je sors le décolleté, mais conserve les jeans. Cette année, l’hiver a été trop long et trop frustrant. J’ai été parfaite, tout au long de ces mois d’hiver. Sagement cintrée dans mes tailleurs en semaine, emmitouflée dans mes gros pulls le weekend, j’ai beaucoup travaillé, beaucoup lu. Cela a assez duré, il est temps que je me dévergonde.
Pour que les choses soient claires, je n’ai pas mis de dessous ce matin. Le tissu de ma robe fleurie est légèrement transparent, on devine l’aréole de mes seins, et l’on peut aisément voir l’ombre de mes poils pubien. Effectivement, je ne les rase pas. Les poils, les odeurs, les fluides, les corps qui transpirent, ma part d’animalité, je l’aime. Légèrement vêtue, sautillante comme une jouvencelle, un doux sourire accroché aux lèvres, je n’en ai pas l’air mais… je suis une gourgandine. C’est ma première sortie, je suis là pour humer l’air. Prendre mes repères pour la saison. La brise légère taquine ma robe. Elle s’engouffre, crée un tourbillon entre mes cuisses, s’échappe en soulevant gentiment un pan. C’est délicieux. Dommage qu’il y ait si peu de badauds.
J’arrive à la porte de mon parc favori. De grandes allées dégagées et surtout ce banc, au pied de cette magnifique statue du faune Barberini. Ce qu’il est sexy ! Malgré son sexe atrophié et sa queue de faune, il se dégage de lui une puissance sexuelle qui me met en émoi chaque fois que je le regarde.
Mon banc est libre. En plein soleil, à cette heure. Face à l’entrée du parc je ne rate personne, personne ne me rate. Je m’installe, les fesses sur le bord, le dos appuyé sur le dossier. Je pose mes jambes, pliées, parallèles et légèrement écartées, juste ce qu’il faut pour laisser le vent jouer encore. Je renverse mon visage, j’aperçois en contre jour la silhouette de mon faune alangui qui se détache sur le ciel azur. Je ferme les yeux sur cette image sublime et me laisse envahir par mes sensations. La douceur du temps, le soleil qui me pique les paupières, ma position, offerte au zéphyr qui me caresse comme mille mains, mon désir monte doucement. Je m’offre aux éléments, je m’offre aux regards. Mes cuisses s’écartent d’elles même, je me sens devenir humide. Ma main se pose sur ma cuisse, elle ne m’appartient plus. Doucement elle va et vient, me frôle, me fait frissonner. A chaque passage, elle est plus audacieuse, jusqu’à atteindre ma douce toison. Peu à peu, comme par mégarde, mes doigts s’y perdent.
Une bourrasque achève de remonter ma robe. Je sursaute. J’hésite. Vais je la rabattre ? Je n’ai pas le temps de me décider que je sens le tissu recouvrir ma main. J’en éprouve une sorte de regret, c’est exquis. Puisqu’il en est ainsi, quoi qu’il arrive, je ne m’opposerai pas aux caprices de l’air. Il semble que cela soit vain.
A l’image de mon faune, je remonte une jambe sur le banc. Ma main droite soutenant ma tête, l’autre mon plaisir. Une foule d’images se succèdent derrière mes paupières closes, et plus mes doigts s’agitent, plus leur flot augmente. Je me laisse divaguer, je papillonne de fantasmes en souvenirs. Mon corps palpite au rythme effréné de mon imagination. Je me tends, je me tors, je ne respire plus que par à coup, je m’écartèle, encore, encore, encore ! je m’ouvre, je m’offre un plaisir qui arrive en saccade. Je presse ma main fortement, comme on presse le jus d’un fruit bien mure pour en extraire tout le suc. Je me dandine jusqu’à la dernière goutte. Puis j’ouvre les yeux vers mon faune. Je lui souris, reconnaissante.