Il est assis en face de moi, bras croisés, yeux clos, tête penchée sur le côté. Il cherche une position dans laquelle s’enfouir. Ses longues jambes à quelques centimètres, que chaque secousse du train propulse contre les miennes. Je devine les muscles fins et puissants de ses cuisses sous son jean ajusté. je le regarde sans pudeur, je le dévore des yeux. Ma main en imagination remonte doucement sur son sexe que je sens durcir à mon contacte. Mon autre main glisse sous sa nuque, et se refermant sur elle, je rapproche ses lèvre un peu sèche que j’humidifie du bout de la langue. De très jolies lèvres, d’ailleurs, dont le pourpre contraste sensuellement sur sa peau claire.
Dans le reflet de la vitre se dessine la courbe élégante de sa nuque dans laquelle je plante mes dents avides. Mes mains courent maintenant sous son sweat, je découvre à l’aveugle les lignes finement marquées de son torse, de son ventre. La tendresse de sa peau s’oppose délicieusement à la fermeté de son corps. Je glisse dans son dos, large, puissant, qui frémit doucement sous mes doigts.
Puisqu’il dort et que je rêve, me redressant je le renverse sur le lit de mes songes et d’un geste négligeant je fais disparaître ses vêtements. Je m’assieds sur lui, l’enserrant de mes cuisses. Je me délecte du spectacle de cet homme abandonné, livré à mes caprices. Je vais le déguster à petites bouchée, que le festin dure plus longtemps.
Je rêve les yeux ouverts tournés sur une autre dimension, dont l’impression de vérité est si intense que je laisse échapper quelques soupirs. Mais je sens que l’on me ramène, que l’on me tire de mon délire. Revenant dans ce train à contre cœur, je suis étonnée de découvrir deux yeux rectangulaires, deux iris noirs qui me scrutent calmement. Je lui rend son regard, je plonge en lui comme il plonge en moi.
Nous restons un moment à nous dévisager l’un l’autre. Je cède la première. Le coin droit de ma bouche s’étire lentement en un demi sourire amusé. Il y répond en miroir. Je détourne son attention, je lui offre un sourire franc et clair, auquel j’ajoute le spectacle d’une langue prometteuse jouant entre mes lèvres. Troublé, il vient chercher confirmation dans mon regard rieur. Je savoure ce mélange de désir, de fierté et de crainte. Pour un peu, je l’embrasserais vraiment. Ce serait pas joli ?
Mais je me contente de me lever à l’annonce de ma gare d’arrivée. Je m’emmitoufle, me cache, reprends ce qu’il n’a pas pris, je lui laisse mes songes, emporte son souvenir.
Adieu bel inconnu.