
Et si je tenais un journal ? Pas un cher journal, hier j’ai fait pipi à 9h32, un journal qui établirait la liste de mes imperfections. Ce ne serait pas non plus un journal de confessions. Ce serait un journal auquel tout le monde pourrait participer. Juste une astuce pour prendre conscience que nous nous ressemblons dans nos imperfections. Qu’elles nous unissent plus qu’elles ne nous divisent.
Je sais pas vous, mais moi, j’ai tendance à me comparer. Pas pour me
passer la crème dans le dos, non, plutôt pour me flageller durement.
Pointer du doigt mes insuffisances, me faire mal, avec l’illusion que ça
me servira de leçon. Je me dis :
« Raoul est sûr de lui ! Il gère
tellement mieux que moi. Je suis nulle ! Joséphine est tellement plus
compétente, elle assure, elle ! Sur facebook, tous ces gens qui ont une
vie si intéressante ! Alors que moi, ma vie, c’est de la merde ! » Que ce
soit dans mon travail ou ma vie personnelle, je me compare en me
dévalorisant. Et puis, j’entends dire que, Bernadette trouve que j’ai
vachement d’assurance, qu’Ursule m’admire et que Jojo me jalouse. WTF ?
Je sais pas vous, mais moi, quand je dis ou fais une connerie, je me la repasse en boucle parfois des jours durant en me traitant de tous les noms. Je suis persuadée que les témoins ou les « victimes » de mes/ma bêtise.s m’en voudront toute leur vie, et que je serai bannie de tout groupe social jusqu’à la fin de la mienne… de vie.
Je sais pas vous, mais moi, quand j’échoue, c’est tellement douloureux que je me mens un peu à moi-même en essayant de me faire croire que ce n’était pas tout à fait de ma faute, que les conditions étaient difficiles, que le jury était con, que le sol était trop glissant, que le terrain était lourd, que c’est la faute de la météo, que j’ai passé une mauvaise nuit à cause de mes voisins et que… bref, j’ai honte, c’est insoutenable, alors je rejette mes erreurs sur « les autres ». Une voix en moi me dit que si j’arrivais à observer ce que j’ai fait, sans jugement, j’en tirerais sûrement une leçon bénéfique pour la fois suivante. Mais non, j’ai trop mal, alors je pars en courant, espérant qu’ il n’y ait pas de prochaines fois. Sans parler de toutes les fois où mes erreurs n’ont aucune conséquence et ne torturent que moi.
Je sais pas vous, mais moi, si je prends 5 minutes pour y penser,
je sais qu’on fait tous ça, à un moment ou à un autre. On se compare,
on se dévalorise, on se déteste. Parfois même, on se vante bêtement pour
se rassurer. Parfois, on juge les autres parce qu’il n’y a pas de
raison de n’être méchant qu’avec soi-même. Mais on est tous dans la même
galère.
Le Bisounours qui est en moi me dit : « Et si on communiquait sur nos déboires, si on s’ouvrait sur nos craintes, sur ce que l’on veut cacher parce qu’on en a honte. Si on avouait qu’on n’est pas admirable ! Si on assumait de ne pas être génial, est-ce que ça n’aiderait à prendre du recul ? La vie c’est l’excellence ou la lose ? C’est pas si grave, de pas être irréprochable, après tout ! Si tout le monde acceptait de ne pas être mirifique, puisque personne ne l’est, est-ce que ça ne nous détendrait pas un peu le string ?
Mon Bisounours est gentil. Ben oui, c’est un Bisounours, il n’a pas
peur des aveux de faiblesses. Mais Fulgator, lui, il en a une sainte
horreur. Fulgator, c’est celui qui est chargé de me défendre, ça le rend
un peu parano, parfois. Mais il fait plutôt pas mal son job. Donc
Fulgator, lui répond : « T’es pas un peu con, toi ? Tu veux tendre un
bâton pour te faire battre ? Tu me fais le coup de l’autre joue, le truc
du grand maso ? » Et Bisounours ne sait que répondre.
Alors
Great-Mama d’intervenir. (GM, c’est la « sage », celle qui sait. Elle,
on l’écoute quand elle parle. On fait rarement ce qu’elle dit, mais en
tout cas, on l’écoute. ) :
– Merci Fulgator, mais tu fais erreur. Il
s’agit de partage. Il s’agit d’arrêter de se faire peur et d’accueillir
nos inquiétudes. Sont-elles douloureuses ? Pourquoi le sont elles ?
Parce que nous nous jugeons férocement. Mais ne sommes nous pas tous des
créatures imparfaites ? (elle est classe, hein ?)
Là, c’est Sarah
qui se dresse et se drape, elle se drape toujours avant de parler. Sarah
c’est à cause de Sarah Bernard, la tragédienne, qui se drape etc…
bref.
– C’est ça ! Vautrons-nous dans nos erreurs, tirons en de la
vanité, pendant qu’on y est ! Et surtout imposons les aux autres ! C’est
écœurant ! Une fulgurante douleur m’assaille a cette seule pensée.
Honte ! Honte à vous ! Elle fait un autre tour de drap et elle se
rassoit d’un air outré. Oui, elle en fait trop, je sais.
La dessus Bisounours reprend la parole et ça n’en fini pas… j’ai une vie intérieure très riche. Mais n’en est-il pas de même pour tout le monde… ou à peu près… non ? Non. Ok. C’est pas grave.
Bon, en gros, il ne s’agit pas de se satisfaire de nos mauvais côtés. Nos jalousies, nos peurs, ou nos colères, mais de les assumer en toute humilité, et surtout en toute bienveillance envers nous-même. Afin, de pouvoir, justement nous améliorer.
Je sais pas vous, mais moi, j’en ai ras-le-bol de me maltraiter. Alors, la liste de mes imperfections, ce serait une façon de dire, aujourd’hui, j’ai merdé, demain, je ferai mieux. C’est cesser de tomber dans le jugement définitif, la menace de me jeter aux ordures si je ne suis pas… wait for it… parfaite.
Tiens, je commence tout de suite. Aller, j’en choisis une. Pas obligé que ce soit quelque chose qui coûtera l’avenir de l’humanité. Ça peut être une toute petite chose qui chagrine et que je vais me pardonner. Je vais dire à quel moment j’ai merdé sans justification ni excuse. Je vais le dire et je vais l’accepter. Et je vais quand même continuer à me faire confiance et à m’aimer. Je continuerai de faire de mon mieux. Pas pour être parfaite, mais pour être moi, juste moi, parce que c’est déjà pas mal de réussir à être soi.
Aujourd’hui, j’ai manqué d’écoute. Et vous, qu’allez vous vous pardonner aujourd’hui ?