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Je suis une passoire

Je suis à la terrasse d’un café, sur la place du village. C’est encore un jour sans. Pourtant, je me suis levée tranquille, pas d’arrière goût amer, pas de menace à l’horizon. J’ai fait les courses pour la semaine, fait un tour sur ma banque en ligne. Toujours aussi fauchée, mais pas à la rue. Avec ce soleil, cette température printanière, je me suis dit qu’il fallait que je sorte, que je m’aère. J’ai divagué sur facebook, sur le net, pas eu la force de lire les seuls articles intéressants que j’ai dégoté. Je les aie enregistré pour plus tard, mais je sais que c’est inutile. Je vais les oublier. J’ai regardé quelques vidéos bêtement attendrissantes. J’ai lutté contre ma flemme, mon envie de dormir, mon coup de mou, coup de barre, ma fuite au fond du trou. Je suis allée me chercher bien loin et me suis mise à la porte. Une fois dehors, je me suis félicité avec conviction, comme on encourage une ado récalcitrante faisant un effort dérisoire. J’ai traîné dans les librairies du coin sans rien acheter, en me racontant à moi-même ce que j’aurais voulu dire aux libraires, s’ils m’avaient pris pour ce que je crains. Puis j’ai atterri ici, à boire un café en mangeant des bonbons, ce qui ne va pas du tout ensemble. J’ai lutté toute la semaine contre mon pédalo de pensée . Je refusais  de retourner le tout et le rien et surtout ce qui ne va pas. Je voudrais que mon cerveau s’occupe à des choses du bonheur. Je voudrais  être constructive, Comme je voudrais que le papa noël m’ait apporté tous les beaux joujoux que je vois en rêve et que j’ai commandés. Des heures d’études à mon roman, de belles réflexions à la plaquette de mon stage, ou de studieuses lectures. Non, ce qui tourne en rond  la haut, dans la boite magique, ce sont des « pourquoi je me sens mal ? », des listes de défauts et  d’insuffisances, de frustrations et de peurs. Je détermine ce à quoi je ne ressemble pas, ce à quoi je voudrais ressembler, peut-être, comme si je pouvais dessiner ma vie sur papier une bonne fois pour toute. Je ne me reconnais nulle part et pas moi même. Est-ce important ? Tout le monde est il préoccupé de soi comme je le suis ? Pourquoi ? En quoi est ce censé m’aider ? Et puis que ça ne marche pas, pourquoi m’obstiner ? D’un autre côté j’ai cette question qui me taraude sans cesse,  refuser de se chercher n’est ce pas se fuir, passer à coté de soi sans se voir ? Louper sa vie ?

Je suis sortie un peu tard, maintenant j’ai froid. Je vais rentrer. J’aurais tout fait vite, après avoir traîné.  J’aurais tout fait vite, pour avoir tout fait, pour me dire que j’ai fait ce qu’il fallait faire. Sur la liste, tout y sera. En aurai-je profité ? Je repars comme je suis venue, avec cette même sensation d’insatisfaction. Je suis vide, rien ne me rempli que la tristesse, la déception et l’écœurement qui s’écoulent et me vident encore un peu plus, comme une purge. Je suis une passoire qui se désagrège.

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