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Et pourtant, j’ai ri.

Je me souviens, dans mon enfance, on disait que les rides racontaient comment les femmes avaient vécu leur vie. Si elles avaient un soleil autour des yeux, c’est qu’elles avaient eu une belle vie, pleine de rire et d’amour, que la personne était donc une belle personne. Si des sillons se creusaient autour de sa bouche, c’est qu’elle était une vieille pie, une sorcière et qu’elle n’avait certainement été qu’une emmerdeuse toute sa vie. Vu mon tempérament, je ne me faisais pas trop d’inquiétude.

À 20 ans, on a commencé à me parler des crèmes anti-rides. J’ai ri.
À 25 ans, on m’a averti qu’il était temps de m’y mettre. J’ai ri.
À 30 ans, mes amies étaient sur le qui-vive, guettant chaque matin l’apparition de la première ridule. Je riais tendrement.
À 35, mes amies pleuraient devant leur miroir après leur jeunesse passée. Là où elles voyaient des rides, je ne voyais que des plis naturel de la peau. Les lignes de la main sont elles des rides ?
À 40, des amies proches voulurent me financer ma première injection d’acide hyaluronique. Je déclinais gentiment, puis fermement. Ne comprenez-vous pas que c’est une course absurde ?
À 45, je n’utilisais toujours pas d’anti-ride. Ma peau, tenait le coup. Mes joues s’étaient creusées puis regonflées au fil du temps. Oui, mes sillons nasogéniens s’étaient creusés, la ride du lion, aussi. On m’avait prévenu. Mais j’avais un remède : le rire. Il efface tout.

Ce matin, 52 ans, en me mettant ma crème de jour, anti uv, toujours pas anti-ride, je découvre deux nouveaux sillons au coin de mes lèvres. Ils descendent. Quand je m’observe dans la glace, j’ai l’air sévère, renfrogné comme une vieille emmerdeuse.
Une emmerdeuse, je le suis. Je n’en ai jamais fait qu’a ma tête. Ai-je souffert ? Oui. Ai-je été en colère ? Aussi. Ai-je été jalouse ou amère ? Oui et oui ! Et j’ai été insouciante, légère, heureuse, amoureuse, empathique, enthousiaste, excitée, folle, et puis j’ai ri, tellement ri ! Je n’ai pas l’intention de m’arrêter en si bon chemin.

Le matin, devant mon miroir, je vois mes rides se creuser, mes cernes gonfler, les coins de ma bouche tomber. J’ai l’air d’une sorcière. Ça ne me fait pas plaisir. Alors je souris, d’un sourire forcé. Mon reflet me renvoie une tête ridicule, je lui réponds d’une grimace. Ça me fait rire, et je creuse un peu plus profond les rides qui racontent ma vie.

1 commentaire pour “Et pourtant, j’ai ri.”

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