Mon cher amant,
Je t’écris cette lettre que jamais tu ne liras. Je te l’écris pour ne pas te le dire, je te l’écris pour que jamais tu ne saches.
Je veux dire, je veux me délivrer du fardeau délicieux et insupportable de ce qui me lie maintenant à toi.
je te promets que c’est arrivé malgré les discours raisonnables que je me répète sans cesse. Je me suis battue de toutes mes forces, avec sincérité, mais, autant te l’avouer, efforts inutiles, puisque c’est trop tard, c’est ainsi.
Si je ferme les yeux, ton image s’impose à moi. Elle me suffoque. Je pose ma main sur ta joue, ta peau est douce, chaude. Je plonge dans tes yeux, je m’immerge en profondeur, je me perds avec volupté.
Je caresse ton cou. Ce cou ! Comment dire, comment décrire ce que j’éprouve en le regardant, en le touchant ? Comment te le faire percevoir, toi qui te déclare si normal ? Il y a dans ce cou, quelque chose d’immuable, une résistance à l’envie, un cou de statue, un peu intimidant. Il est cependant si doux ! La première fois que j’y ai posé ma main, j’en ai été surprise. Et puis, cette clavicule. Ce n’est rien une clavicule. Un détail. Mais cette clavicule, je sais que j’y repose mon front. C’est une ligne qui m’indique ton épaule, large sans être hommasse, ronde et souple dans ma main. Une épaule pas prétentieuse, mais surprenante et qui tient des promesses qu’elle n’a pas formulé.
Ma main s’arrête sur ta poitrine, je faiblis. Je me penche et l’embrasse. Un petit coup de langue timide sur les contours de l’aréole, légèrement coloré et qui se fronce à la chaleur de mon souffle. Je suis fichue. Mon ventre gronde, je te veux. Alors ma main te pousse. Je veux te renverser d’un geste. Je veux que tu bascules avec moi. Je veux t’emporter.
Évidemment, tu ne bouges pas d’un cil. Tu es surpris et attendri devant si peu de force. Cette impuissance me transporte. Je redouble d’effort, tu t’écroules sur le dos, tu t’affales sur le lit. C’est mon tour d’être surprise. Je perds l’équilibre, je m’effondre. Tu me rattrapes et je devine que tu t’es laissé faire. Je souris. Je t’ai renversé, oui. Mon désir t’a basculé.
Je poursuis mon chemin de dévotion, avec ma langue pour guide. Ton ventre ! Ton ventre me bouleverse. Il y a dans ce ventre tant de vie, de puissance, de sensualité !
Je reste interdite. Trop d’émotion qui s’entre choquent. Je suis devenue furie. Je brule de l’intérieur, j’ai peur de ce que tu éveilles en moi.
Je respire, reprends le contrôle de mes sens, mes deux mains posées sur la jolie boucle de ta ceinture. Je me penche et t’effleure de ma langue, de mes lèvres, de mon nez. Par quelle magie, ton odeur est elle si douce ? Moi qui suis si souvent heurtée ! Je te respire comme un parfum précieux, je m’enivre.
Je te regarde. Ton ventre monte et descend calmement, et de temps en temps, au gré de mes caresses, il se soulève par à-coups. Je gémis. Je voudrais m’alanguir de tant d’ivresse ! Mais je défais ta boucle, en douceur. Je fais diversions de mille caresses.
J’ai descendue la fermeture éclair de ton jean. Tendu sous ton caleçon, ton sexe s’agite pour se libérer. Je souris et y dépose un baiser, mille baisers. Je suis à tes genoux, tu es à ma merci.
Voilà, voilà ce dont je rêve. Ne te méprends pas, ce n’est pas juste une caresse que tu pourrais apprécier. Ce récit est que le chemin qui nous mène jusqu’à mes derniers mots.
C’en est fait, mon cher amant, je t’aime.
Photo : Béaatrice Planchais